Le mystère ne se
voit pas, il se sent. A Tombouctou, aussi, l’essentiel est invisible pour les
yeux. La plus grande richesse de la ville réside dans des manuscrits qui, pour
la plupart, sont la propriété de grandes familles qui les gardent jalousement,
plus qu’elles ne les conservent.
De l’âge de la
splendeur de l’université, située autour de la mosquée de Sankoré, des privés
ont hérité de milliers de manuscrits, aujourd’hui en péril, et qui contiennent
non seulement l’exégèse du Coran, mais aussi la quintessence des connaissances
de l’époque. Si, comme en Occident au même moment, la théologie était le couronnement
du savoir, les sciences cependant n’étaient pas négligées. Ainsi, quantité de
traités, richement illustrés ou enluminés, évoquent le droit, les mouvements
des planètes, les mécanismes célestes régissant les éclipses, les secrets de la
médecine…
Il semblerait
flatteur pour Tombouctou de faire connaître au monde entier ces illustrations
d’un savoir alors en avance sur celui de l’Europe. Pourquoi dès lors cacher de
telles merveilles ? Trois raisons à cela. Certains manuscrits – les plus beaux peut-être – ont disparu, vendus à de riches collectionneurs lors de la grandesécheresse de 1973. D’autre part, ces manuscrits anciens portent la baraka : s’en défaire équivaudrait à laisser entrer le malheur dans sa
maison. Enfin, nombre de ces écrits contiennent des secrets de famille que l’on
ne tient pas du tout à dévoiler.
La présence de nombreux textes en hébreux inquiète particulièrement : beaucoup de Juifs ont habité la cité des 333 saints, depuis le temps de sa splendeur jusque vers les années 1860. Des traces archéologiques le confirment. Exhiber un manuscrit en hébreux, c’est reconnaître l’origine probablement juive de sa famille et, dans le contexte actuel, personne ne souhaite se réclamer d’une telle ascendance.
Il existe cependant quelques raisons d’espérer : plusieurs propriétaires de manuscrits, comme
la famille Ben Essayouti, à laquelle appartiennent traditionnellement les Grands
Imams de Tombouctou, essaient de faire évoluer les mentalités et s’engagent
dans la présentation et la mise en valeur de ces joyaux, qui sans doute
méritent leur place dans le patrimoine culturel de l’humanité. Ils seront exposés
désormais dans de nouvelles bibliothèques de la ville, avant, peut-être, si les
moyens sont réunis, de connaître une diffusion sur Internet.
Quelques liens :
- description du projet (Document.pdf en français)
- un article tiré du Monde Diplomatique, septembre 2004.
- les Américains aussi s'y intéressent (article, septembre 2005)
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